Découvert en 2005 avec un premier album autoproduit « L’ère du temps » (porté par les singles « L’ère du tant » et « La vie est belle ») que la presse spécialisée n’avait pas omis d’encenser (nos confrères du « Figaro » l’avait mentionné dans leurs disques de la semaine), la carrière de Nicolas Nourrit – 23 ans à l’époque, démarrait donc en trombe, sous les meilleurs auspices (des Francofolies de la Rochelle, aux premières parties de Jean-Louis Murat, Florent Pagny, Hugues Aufray, en passant par la Rose d’Or sur la scène de l’Olympia). Depuis, on avait depuis perdu la trace de cette gueule d’amour de lyonnais (devenu récemment breton d’adoption). C’était sans compter sur sa participation à de nombreux projets annexes, moins médiatisés, tel son crew Highly Seen, mais aussi et surtout sur ses voyages, notamment en Afrique, qui lui ont permis d’enseigner la musique, l’écriture (et la bonne humeur qui le caractérise), et parallèlement de grandir (de se faire la malle en bien), afin de dévoiler récemment un second album « Pas loin ».
Un second album (au bel artwork de 44bis lorgnant sur celui de Staff Benda Bilili) aux jolies surprises, qui ne nous fait pas regretter d’avoir attendu sept ans, bien au contraire (par ailleurs consolé par le titre fantôme de la galette, une ode à la musique et à la vie nous étant directement dédiée). Comme le bon vin, il faut parfois laisser décanter. Sept années plus loin, fort du temps qui passe, nous ne sommes pas loin d’affirmer que cet opus pourrait être celui de la consécration. Il en a toutes les qualités. Tantôt drôle, tantôt revendicatif ou réaliste, n’omettant pas l’humour (le solaire « La bonne attitude »), ce disque reprend certes les ficelles délicieusement reggae des débuts (on pense à LaBrassBenda « Doda Hos » sur le dernier morceau), mais sait aussi se faire tendre, ou plutôt vulnérable – et touche en plein cœur (les magnifiques « Comme », « Pourquoi moi », « Dimanche » ou « A dos de libellule » je te vois dans la brume, je te vois dans la nuit, j’irai bien t’y rejoindre, revisiter mes oublis), ne faisant que sublimer la maturité (et confirmer la fragilité) que nous avions déjà décelée sur son premier essai.
La plume est belle, poétique, tout comme ses préoccupations, se posant indéniablement les bonnes questions (se contenant aussi des petites choses qui font la vie). L’avenir de notre planète, écologiquement parlant (les gazouillements des petits oiseaux en écho au doux bruit du fleuve qui terminait déjà la course de « L’ère du temps ») et socialement parlant (« Les indiens », en bel hommage au continent américain pillée par les Conquistadors). Des sujets de société donc (on retiendra particulièrement le tubesque et faussement j’m’enfoutiste « Fopassenfaire »), auxquels l’artiste ajoute une corde, de nombreux thèmes tournant autour du couple et de l’amour (que « Tristes âmes » avait cela dit introduits sur l’album précédent). Le jeune homme semble serein, comme délivré des incompréhensions face au monde qui l’entoure qui émanaient de son premier disque (ou plutôt les ayant apprivoisées). Nicolas a écrit, composé, réalisé et produit cet album (épaulé par Pascal Coquard au mix et au mastering), blindé d’imparables mélodies, et toujours porté par ce timbre de voix si personnel qui le caractérise.
Un disque de grande qualité, profondément simple et humain (des fois y’a besoin de rien, des chants d’oiseaux et du soleil, qui s’éteint seul sur la montagne, la cime des pins qui l’accompagnent et je suis bien) et paradoxalement fort positif (« Les rengaines »), à écouter avec la gueule d’un dimanche par exemple, lorsqu’on se sent seul. Un disque bien meilleur que certains autres majorisés. Respect.
Thierry Cadet pour Horscene